Les kiwis et les Kiwis
Imaginez un pays où les mammifères terrestres n’existent pas et les prédateurs viennent uniquement des airs. Dans ce pays, les oiseaux n’ont pas besoin de voler et la meilleure défense c’est l’immobilité et le cammouflage.
Ce pays c’est la Nouvelle-Zélande.
Avertissement
Attention, cet article n’est pas drôle et gai. Il présente la disparition prévue des kiwis et la lutte biologique menée par le DOC… et la façon dont on l’a perçu.
Les envahisseurs
Enfin la NZ était sans prédateurs car depuis, de nombreux mammifères terrestres ont été introduits de manière involontaire pour les rats et les souris ou volontaire pour les chiens, les chats, les opossums et les lapins. Comme ces derniers ont pululé au bout de quelques années, une idée ingénieuse a été d’ammener des fouines et hermines pour les chasser… mais un lapin c’est rapide et il y a des proies plus faciles, comme le kiwi.
Qu’est le kiwi ?
Nous n’avons pu voir des kiwis qu’en captivité : ils sont difficiles à rencontrer dans la nature puisque nocturnes et assez rares. Mais on peut vous dire que c’est quelque chose cet oiseau ! C’est une bizarrerie de la nature ! Il plante en continu son long bec dans la terre, court, s’agite. Son plumage ressemblant à des poils et son cri stridulant dans la nuit sont uniques. L’œuf est énorme et en comparaison, c’est comme si la femelle kiwi portait un bébé de 16 kg !
On comprend que cet animal qui n’existe qu’en NZ soit devenu l’emblême du pays.
Inadaptés
Mais ces pauvres kiwis sont inadaptés à tous ces nouveaux prédateurs arrivés simultanément. Les parents surveillent insuffisament leur œuf et leur petit qui sont la cible des prédateurs. Ajoutez à ça une réduction drastique de son milieu de vie et vous comprendrez que sa population diminue de 50 % tous les dix ans. Ils étaient 12 millions ils y a quelques siècles, aujourd’hui ils sont environ 70 000 : les plus sombres estimations prévoient que les kiwis auront disparu dans seulement 5 ans.
La culture des kiwis
Une des approches de conservation vise à aider les kiwis à survivre à leur première année qui reste la plus critique. Quand ils ont passé ce cap, ils sont suffisament gros et griffus pour se défendre (sauf contre les chiens et furets).
Dans cet objectif, des kiwis mâles sont équipés de sondes : quand ils ne bougent pas pendant une longue période, c’est qu’ils couvent. Dès qu’ils s’absentent du nid pour aller manger, des rangers du DOC vont prendre l’œuf et l’apportent à un centre d’élevage que nous avons visité. Les œufs y sont incubés puis les oisillons y grandissent pendant environ un an dans un « milieu naturel artificiel » : la nourriture est essentiellement composée de larves et insectes vivants comme dans la nature.
Après quelques tatonements, le centre est maintenant très efficace et élève chaque année une centaine de kiwis qui reviennent chacun à 1800 euros. Pour cette somme vous pouvez donc avoir un kiwi qui porte un nom que vous choisissez.
Il y a d’autres centres de ce type en NZ, ce qui permet d’élever environ 250 kiwis par an.
Autre méthode : mettre les kiwis à l’abri. Il y a par exemple la réserve de Wellington (que nous avons également visitée) dans laquelle la population de kiwis a doublé en dix ans. Une solution moins coûteuse, ammener des kiwis sur des îles encore dépouvues de prédateurs comme Stewart Island. Cette option est utilisée pour essayer de sauver les 80 kakapos (gros peroquet magnifique mais pataud) encore vivants.
Ennemi public numéro 1
Deux cent cinquante kiwis par an, ça ressemble à une goutte d’eau dans l’océan. La mesure de plus grande envergure est d’éliminer les opossums qui sont devenus les animaux détestés des Néo-Zélandais. Le problème avec ces petits marsupiaux, c’est qu’ils mangent beaucoup de plantes et en menacent certaines et surtout, ils mangent les œufs et les oisillons.
Aujourd’hui, leur nombre est estimé à 70 millions soit environ 100 opossums pour chaque habitant et 1000 opossums pour un kiwi !
Pour ça, les deux principaux moyens utilisés sont les pièges mécaniques et le poison (cyanure et 1080) déposé dans des mangeoires ou éparpillé par hélicoptère pour les zones innacessibles.
En plus de viser les opossums, cela permet d’éliminer secondairement les fouines, hermines et rats qui mangent les carcasses d’opossums.
Vous pourrez trouver dans certaines boutiques des gants en laine mérinos (forcément) et opossum ou carrément de la fourure d’opossum estampillée « unique fourure approuvée par le WWF ».
Ces solutions ne permettront à priori jamais d’éradiquer les opossums mais seulement de stabiliser la population…
Solutions complémentaires
Parmi les prédateurs, il y a aussi nos animaux familiers qui s’avèrent être des tueurs efficaces de kiwis. Cinq cents carcasses de kiwis ont été retrouvées dans la cachette d’un seul chien ! Le DOC recommande donc d’éduquer les chiens en associant l’odeur du kiwi à une décharge électrique. Pour les chats qui sont plus têtus, un clochette accrochée à leur cou permet de prévenir la proie. Tous les parcs nationaux sont bien sûrs interdits aux chiens et chats !
Ça dérange
Le kiwi et les oiseaux endémiques sont chers au cœur des Néo-Zelandais, c’est eux (avec certaines plantes) qui rendent la NZ si unique. Pour autant, il est difficile pour nous de comprendre cette haine de l’opossum et la représentation qui en est faite. Dans un film (images de synthèse) expliquant la disparition de certains oiseaux, l’opossum est montré comme un animal effrayant qui montre les dents en soufflant avant d’attaquer des petits oisillons innocents piaillant paisiblement dans leur nid. Dans les offices du DOC, une pancarte fameuse montre une photo d’un opossum mangeant un oisillon. En plus, à côté de l’opossum, il y a aussi un rat.
Ce qui nous interroge est l’image qui est donnée de cet animal. Quand nous l’avons rencontré pour la première fois en Australie, nous l’avions trouvé bien mignon…
Les opossums sont souvent écrasés sur les routes et portent le charmant surnom de « dos d’âne néo-zélandais », comme si ça ne faisait rien de rouler dessus…
Même s’ils tuent probablement beaucoup plus de kiwis que les chiens, les chats, les bucherons ou les fermiers qui empiètent sur leur milieu naturel, ils semblent être un responsable bien confortable.
Le paradis empoisonné
Et puis ça fait bizarre de se promener dans la nature et de voir des pièges ou des écriteaux mettant en garde sur la présence de boulettes empoisonnées qui peuvent être fatales pour les chiens ou… les enfants qui les avaleraient. Pourquoi du poison au milieu des arbres ?
Le 1080, le poison le plus largement utilisé, est certaines fois décrit comme « non-éthique » et ferait souffrir les animaux l’ingérant. Et on ne vous raconte pas le plaisir de trouver un opossum mort au bord du sentier.
Et puis, en général, quand l’Homme veut jouer à Dieu, il y a toujours l’imprévu qu’on avait pas prévu : le poison qui tue d’autres cibles, qui pollue les rivières…
On a vu quelques pancartes de protestation contre la dissémination du poison et certains membres du DOC ont reçu des ménaces avant une dispersion massive de 1080 quand nous étions en NZ.
On peut vous dire que tout ça nous a tracassé… La Nouvelle-Zélande lutte pour préserver ses kiwis et ses oiseaux en général, mais affronte aussi d’autres problèmes : les ajoncs qui envahissent les champs et forêts, les algues qui étouffent les rivières… Une erreur écologique est si facile à faire et malheureusement souvent irréversible.
Ben c’est bien triste tout ça …
Je préfère quand l’histoire finit bien…
Cela dit ça nous montre comme l’humain agit bêtement face à la nature…Quel manque d’humilité !
Merci pour ce chapitre, histoire et conservation des espèces !!
Bises à vous deux
Passionnant cet article. Je savais que les Australiens décimaient les lapins et les kangourous, mais je ne connaissais pas du tout la situation de l’oppossum en NZ.
Et oui, quand l’humain veut être le maître absolu de la nature, il risque souvent plus qu’il ne gagne (voir les lapins en Australie justement, implantés pour éliminer une autre espèce.
Par ailleurs, je trouve bien dangereux les pièges et surtout le poison disséminés dans la nature !
l’image que j’avais de la NZ est un peu ternie par ces informations navrantes,qu’il était cependant utile de nous donner.
Bonnes randonnées en Amérique du sud, et veillez bien sur vous.
vous êtes… BEAUX!!!
dans la boue, sous le soleil, dans la brume, sur les opposums, dans la rivière glacée, sur les mains, dans la méatitude d’un lac pommé, … BRAVO !
quelques photos de céline barbue ne serait pas de trop.
sinon, il y a un décalage dans le tracking: vous êtes en NZ, et la carte vous montre en argentine…
au fait, comment vous comptez traverser l’océan?
C’est dommage que « l’adoption » d’un kiwi soit si chère. J’aurais été relativement heureux d’avoir pu sauver un des 250 kiwis de Nouvelle-Zélande de l’année 2011 pour une centaine d’euros.
J’ai cherché rapidement sur Youtube votre documentaire officiel en image de synthèse qui présente les opposums comme des monstres, je ne l’ai malheureusement pas trouvé (vous avez peut-être dû en faire autant pour illustrer l’article ?).
Nous avons vu la vidéo dans la réserve à Wellington…
C’est exact. Merci.
Oui, ca s’appelle du retard dans le blog !
Mais on rattrape le retard !! Bientôt moins d’un mois…
Pour savoir où nous sommes a peu près, voir ci-contre à gauche !
Et aussi, la section « où etions-nous »…