Descendre à la capitale
La Paz a beau être la plus haute capitale du monde, pour y aller, il faut descendre de l’altiplano. C’est une petite capitale nichée dans une vallée.
Elle est haute… en couleurs, festivals et gourmandises !
Qu’il Evo* !
Le lendemain de notre arrivée, nous avons la chance d’assister à une fête d’anniversaire : la république plurinationale de Bolivie a un an et toutes les communautés du pays sont à la Paz, en costumes traditionnels, pour défiler ! En quelques heures, nous admirons la variété de costumes et d’instruments.
Nous ne nous lassons pas de la tenue des Cholitas avec leurs jupes chatoyantes, leurs tresses (attachées l’une à l’autre le plus souvent) et leur chapeau incongru.
Nous avons même le privilège de voir en chair et en os la star de la Bolivie, Evo Morales. Nous sommes impressionnés par l’admiration des Boliviens pour leur président. Il y a sa photo sur de nombreuses banderoles des communautés défilant et les gens achètent des écharpes avec sa photo et des textes de propagande du type « Con Evo, mas cambio », « avec Evo, plus de changement ». Pourtant, il y a seulement trois semaines, le pays manifestait puissamment contre l’augmentation fulgurante du prix de l’essence par Morales…
De la Paceña et des salteñas
Un des délices de la Paz, ce sont ses restos : stand dans la rue à moins d’un euro ou resto huppé, ils ont excité nos papilles.
La spécialité de la Paz, avec la bière Paceña, ce sont les salteñas, sorte de chaussons fourrés à la viande, oignons, œufs et une sauce qui coule systématiquement sur les vêtements. Ils se mangent accompagnés d’un piment qui chauffe bien les lèvres. C’est plutôt pour le petit déjeuner et le déjeuner car le soir, les salteñas deviennent introuvables. Nous avons déniché notre salteñeria fétiche et nous nous en sommes gavés, forcément à 30 centimes pièces, seule la menace d’obésité nous arrêtait !
Suite à une incroyable nostalgie du fromage de chèvre pour Céline, nous nous sommes même offert un restaurant français luxueux, probablement un des plus chers de la Paz. Nous nous sommes régalés : salade de tomates et chèvre chaud, ceviche de fruits de mer au pesto, steak de lama sauce bordelaise, confit de canard, crème brûlée et flan de quinoa à l’orange… Ce soir là, nous n’avons pas dormi sur le ventre !
Et enfin, il y a tous les petits stands de rue : les beignets, les figues de barbaries, le ceviche, les chips de bananes, le pop corn géant, une pâte bizarre enroulée dans une feuille de maïs, gelée à la chantilly, jus d’orange frais pressé !
La journée aux musées
A La Paz, nous avons battu notre record de musées : nous en avons visité trois !
Le musée de la coca fait l’éloge de l’acullico, c’est à dire la mastication de la boule de feuilles de coca. Même si cette pratique a été accusée de rendre les Boliviens débiles (un rapport nord-américain), elle a plutôt des vertus indispensables à la survie dans les Andes : elle permet de couper la faim, d’augmenter la résistance au froid et à l’altitude. En plus, un petit maté de coca au petit déjeuner, c’est bien agréable.
La visite a commencé à devenir étrange quand le génie architectural de Tiwanaku ou le savoir-faire naval sur le lac Titicaca étaient expliqués par la mastication de la coca… Comme si, en France, le fromage nous avait inspiré la construction des châteaux forts ! Quant à la cocaïne, les pays occidentaux accusent les producteurs de coca et les producteurs de coca accusent les pays occidentaux (principaux consommateurs)…
Le musée de la musique présente une collection incroyable d’instruments nationaux et internationaux. Parmi nos préférés, les charangos fait avec des carapaces de tatous ou tortues (même si maintenant c’est interdit), les flûtes de paon en plumes de condor et les charangos à plusieurs manches (un pour chaque accord).
Nous avons enfin visité les musées publics : le premier décrivait la fête d’Alasitas que nous avons vécue en vrai le lendemain, le second correspondait à la maison de Murillo (précurseur de l’indépendance bolivienne) et le troisième abritait une superbe collection de bijoux en or de la civilisation tiwanaku. Normalement, il y avait un quatrième musée : le musée du littoral bolivien qui, ironiquement, était fermé !
Depuis plus d’un siècle, la Bolivie n’a plus d’accès à la mer et cela expliquerait en partie sa pauvreté : pas de pêche et pas d’exportation facile.
En 1880, la Bolivie augmente les taxes d’exploitation du salpêtre (précurseur des explosifs), car si les mines sont en Bolivie, les exploitants sont chiliens. Cet impôt met le feu aux poudres et le Chili, qui espère agrandir son territoire, déclare aussitôt la guerre à la Bolivie : c’est la guerre du Pacifique. Le Pérou, tenu par un traité de défense réciproque, s’engage aux côtés de la Bolivie, mais le Chili remporte quelques victoires décisives et gagne la guerre. Le Pérou est amputé d’une région côtière et la Bolivie perd tout son littoral. Depuis, la Bolivie demande régulièrement un accès maritime au Chili, sans succès à ce jour.
Nous avions rencontré, il y a quelques mois, une Chilienne qui voulait que le Chili redonne un accès maritime à la Bolivie pour que les enfants aillent en vacances à la mer. Elle ne se doutait peut-être pas que peu de petits Boliviens partent en vacances…
Marcher et marchés dans La Paz
La Paz est bien pentue et en altitude, pas facile d’y marcher sans s’essouffler. Pour autant, c’est vraiment très agréable de flâner dans les rues.
Le mercado de las brujas (marché des sorcières) propose toute sorte d’amulettes pour avoir chance et fortune. Les offrandes doivent se faire accompagnées d’un fœtus de lama séché pour que les vœux se réalisent (beurk). On y trouve aussi des remèdes, tous plus douteux les uns que les autres, pour toutes sortes de problèmes : le viagra est sévèrement concurrencé !
Small world
Le 24 Janvier, une autre petite fête nous attendait : Alasitas. Elle a lieu tous les ans et l’objectif est d’acheter une miniature pour obtenir l’objet réel dans l’année. Dans les rues, il y a une foule compacte et excitée qui cherche et fait ensorceler l’objet de son désir. A l’origine, c’était de la quinoa, du maïs ou des patates. Maintenant, on trouve de tout : mini-maisons en cours de construction, mini-voitures, mini-pâtisseries ou salteñas, mini-diplômes, mini-caisses de bières, mini-poupons. Et bien sûr, mini-billets en devise bolivienne ou américaine.
Pour avoir les meilleures chances que la miniature deviennent réalité, il faut non seulement la faire ensorceler par les shamans présents, mais aussi l’offrir à quelqu’un. Sachant cela, nous avons mieux compris pourquoi un gardien de musée nous a offert des mini-billets.
Pour ceux qui souhaitent obtenir des poules, attention, une mini-poule apporte l’amour et pas des futurs rôtis et omelettes !
Les miniatures doivent ensuite être confiées à Ekeko, le dieu bedonnant de l’abondance et de la prospérité.
La légende d’Ekeko a commencé pendant le siège de La Paz par les Indigènes en 1781. Paulina Tintaya, une indigène, travaillait pour le gouverneur de La Paz. Quand elle était partie pour La Paz quelques années plus tôt, Isidoro Choquewanca, son amoureux, lui avait offert une petite statue d’Ekeko, qui pour les Indiens apporte chance et fortune. Pendant le siège, les gens mourraient de faim (au sens propre du terme). Isidoro, en cachette, posait donc à manger à côté de la statue ce qui permit à Paulina et la famille du gouverneur de survivre.
Avoir plus d’un trou dans sa poche
Pendant le petit déjeuner, avant de partir à la fête d’Alasitas, nous nous préparons mentalement à un bain de foule et nous savons que potentiellement des voleurs salivent à l’idée de voir arriver des petits touristes comme nous. Nous optons donc pour la ceinture ventrale, bien rentrée sous le pantalon et le pull. L’appareil photo et l’Iphone sont rangés dans les poches latérales du pantalon d’Olivier, Alex et Céline le mettent en garde car même zippées, elles semblent bien vulnérables… mais Olivier « veut voir celui qui arrivera à lui voler quelque chose dans ces poches ». Malheureusement, le voleur sera tellement rapide et habile qu’il n’arrivera pas à le voir !
Le bain de foule est impressionnant, nous gardons en permanence la main sur nos passeports et cartes bleues. Olivier, bien inspiré met son Iphone dans une poche intérieure mais laisse son portefeuille dans la poche latérale de pantalon. Au bout de 45 minutes, la poche est largement découpée et le portefeuille subtilisé.
Malheureusement pour le voleur, il contient seulement une carte bleue périmée depuis plus de huit ans… Il faudra qu’il attende que le faux objet se transforme en vrai !
Tiwanaku
Tout le monde connait les Incas mais la civilisation Tiwanaku… Pourtant, elle a régné sur la région du lac Titicaca pendant plus de six siècles (alors que les Incas ont seulement existé pendant un siècle). Les premières traces des Tiwanakus datent de 300 avant JC (peut-être même 1500 avant JC), mais l’influence maximale était de 300 à 1000 après JC. Ils existaient donc avant les Incas. Leur pouvoir dépendait beaucoup de leur savoir-faire agricole : les rendements étaient bons et les surplus permettaient de nourrir tout le monde. Malheureusement, une baisse des précipitations aboutit à une grande famine qui provoqua leur chute. On connait peu de choses sur cette civilisation car il n’avait pas de langage écrit.
Le principal site, patrimoine mondial de l’Unesco, se trouve à Tiwanaku et nous sommes allés voir ce qu’il en reste car le site a été largement endommagé par les pillages successifs des Incas, des Espagnols…
Dans l’ensemble, c’est assez joli et intéressant. La porte du soleil, les sculptures, les murs avec des pierres énormes. Il y a même des porte-voix en pierre.
Par contre, il y a beaucoup de touristes qui prennent la photo « moi devant… » donc ce n’est pas toujours facile de s’approcher des sites, notre guide est nul (il crie dans les portes voix les nationalités des gens en attendant qu’ils crient en retour, il imite les momies en s’enroulant dans son pull…) et le site est mal conservé. L’Unesco a même porté plainte pour l’enduit d’adobe réalisé sur un des monuments, car ces travaux ne restauraient pas son état originel. Le monolithe géant, de sept mètres de haut, est conservé dans un affreux musée âgé de trois ans mais qui tombe déjà en miettes…
L’escalade… de la violence
Olivier et Phil partent pendant une journée pour faire de l’escalade dans la périphérie de La Paz. Malheureusement, aucune photo de permet d’attester de la difficulté (probablement minime) des voies escaladées… les garçons sont partis les poches vides. Pourquoi ? Parce que des voleurs sévissent dans la région et pour convaincre les grimpeurs de se délester de leur biens, ils menacent simplement de couper la corde ou de jeter des cailloux ! Mais rassurez vous, rien de tout ceci n’est arrivé.
Nous partons de La Paz sans avoir vu sa star : l’Illimani se cache dans les nuages.
* en espagnol, le « v » se prononce « b »
Eh ben !!
Que d’aventures !
Olivier dans un musée ! Céline privée de fromage de chèvre….
Des couleurs encore des couleurs…
Peut être le billet le plus social-politique d’entrelacets…
Bisous les aventuriers !
Passionnant article !
Félicitations pour la constance avec laquelle vous alimentez notre appétit de partager vos aventures.
Un régal, tant les textes que les photos.
Il faudra publier tout ça à votre retour !
Un article digne d’anthropologues que vous devenez de plus en plus au cours de votre voyage.J’aime particulièrement le récit de ce monde en réduction qui pourrait devenir réalité grâce au désir. Les couleurs sont trés emmerveillantes. Bravo encore . Bises
Poune
Olivier, en plus du peu de dommages matériels, avec le recul, l’expertise des voleurs boliviens doit finalement te sembler une bonne chose pour ta jambe.
C’est rageant cette histoire d’accès à la mer pour la Bolivie. D’autant plus que le Chili et la Bolivie d’aujourd’hui n’ont plus grand chose à voir avec ceux qui sont rentrés en guerre il y a un siècle.
Je ne sais pas si c’est une mauvaise perception des choses, mais dans la vue générale de La Paz, j’ai l’impression que les balcons des maisons sont renfoncés dans les murs plutôt que d’avancer vers l’extérieur. Ça doit enlever pas mal de lumière et de chaleur aux habitations. Éligible pour un pas pareil bolivien ?
Je connaissais la tradition du fœtus de lama, celle de la grenouille pailletée pas encore. Je ferais une petite prière en sacrifiant une cuisse de poulet et en offrant un peu d’alcool à la pachamama pour que vous ne m’en rameniez pas.
Bises les globes trekkers !